Pourquoi supprimer la redevance audiovisuelle n’est pas si facile
Il contribue pour 3,2 milliards d'euros, finance la radio et la télévision publique … mais il est également inadapté aux usages modernes.
Un autre ballon d'essai lancé par un membre du gouvernement pour alléger les impôts à la suite de la crise des "gilets jaunes": le ministre des Comptes publics, Gerald Darmanin, a proposé vendredi 29 mars de supprimer la contribution au Public Audiovisuel (CAP), mieux connu sous le prix. M. Darmanin n'est pas le premier à vouloir l'épeler; ceux qui l'ont essayé avant lui n'ont pas pu mener à bien leur projet.
1. La taxe rapporte plus de 3,2 milliards d'euros
Même si le gouvernement a choisi de geler son montant plutôt que de l'indexer sur l'inflation en 2019, le produit de la redevance est tout sauf symbolique. Avec une somme forfaitaire de 139 euros par foyer fiscal (89 euros à l'étranger), voire davantage pour certains professionnels (jusqu'à 556 euros pour les débits de boisson), il génère un montant brut de 3,8 milliards d'euros.
Si nous retirons les différentes ristournes remboursées par l'État et le coût de recouvrement, le montant s'élève toujours à plus de 3,2 milliards d'euros, ce qui correspond à peu près au déficit lié à la réforme de l'impôt sur la fortune (ISF) en 2018.
2. Il finance la radiodiffusion publique
Contrairement aux taxes, dont le montant est librement utilisé par l'État ou les collectivités, la contribution à la radiodiffusion publique est affectée pour un usage unique: le financement de la radio, depuis 1933, puis de la télévision depuis 1949. C'est le principal source de revenus pour France Télévisions (88%) et Radio France (près de 100%), mais aussi indirectement pour les producteurs audiovisuels travaillant pour des chaînes publiques et une partie du cinéma français.
Si les droits étaient supprimés, Gerald Darmanin ne précisait pas comment ces montants seraient indemnisés, ce qui préoccupe grandement les syndicats et les organisations professionnelles du secteur. Le ministre de la Culture, Franck Riester, a également rappelé dimanche à France 3 que la radiodiffusion publique était une question importante et qu'il était nécessaire "Un financement à la hauteur des besoins, durable et garantissant l'indépendance de la radiodiffusion publique vis-à-vis du pouvoir politique".
3. Son fonctionnement actuel est décrié
Ce n’est pas la première fois que la redevance est mise en cause, pour plusieurs raisons:
- son seuil est unique: contrairement aux autres prélèvements, il n’est pas progressif ni proportionnel au revenu. Les ménages les plus modestes (qui ne paient pas la taxe d'habitation ou qui n'ont pas de revenu) ne la paient pas, mais tous les autres la paient au même prix, qu'ils gagnent 2 000 ou 10 000 euros par mois; qu'ils ont un ou plusieurs téléviseurs;
- il est inadapté aux usages modernes: lié à la possession d'un téléviseur ou d'un appareil similaire (vidéoprojecteur, enregistreur vidéo, lecteur DVD …), il n'est pas payé par les personnes qui regardent la télévision sur leur ordinateur, même grâce à une Carte TV. Toutefois, selon le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), le nombre de ménages disposant d'une télévision est en baisse, passant de 98,2% en 2012 à 93,8% de la population à la fin de 2017;
- Il est soutenu par la taxe sur le logement: comme cette taxe disparaîtra progressivement d’ici 2021, la taxe augmentera. "Un problème technique", justifie Gérald Darmanin, qui estime qu’il ne serait pas rentable d’engager des coûts de perception pour cette taxe unique.
4. Les pistes précédentes allaient dans la direction opposée
La réforme de la redevance est régulièrement évoquée par les pouvoirs publics, afin de rendre cette contribution plus efficace. Mais jusqu'à présent, les propositions allaient plutôt dans le sens d'une extension de la contribution à l'ensemble des ménages: le président de Radio France, Mathieu Gallet, interrogé en février 2017, la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, avait également plaidé en septembre 2018 pour ce soit "Déconnecté de la télévision". Enfin, un rapport parlementaire présenté en octobre 2018 par Aurore Bergé préconise l’universalisation de la base de cotisation de tous les ménages, ce qui aurait l’avantage d’augmenter le montant perçu et de pouvoir limiter la publicité sur les chaînes publiques, voire même la supprimer sur France 5 ou sur Internet. Radio France.
Ce rapport précise également que ce système de financement audiovisuel public n’est pas une spécificité française. La contribution est encore plus chère au Royaume-Uni (162 euros), au Danemark (environ 210 euros) ou en Suisse (394 euros).
Quant aux Allemands, ils ont réformé leur système en 2013, en introduisant une taxe de 18 euros par mois qui est payée pour toutes les résidences (à l'exception des exemptions sociales), quel que soit le nombre d'appareils possédés. Les Helvètes, qui ont un système similaire, ont rejeté par référendum en 2018 l'abolition de cette taxe.