« Les carences de l’Etat justifient l’action des maires »


Les associations soutenant le maire de Langouët, dont le décret anti-pesticides est attaqué par la préfecture d'Ile-et-Vilaine, dénoncent le manque de moyens pour limiter l'utilisation de pesticides.

Par Maureen Songne Publié aujourd'hui à 19h11, Mis à jour à 19h14

Temps de Lecture 3 min.

Le maire de Langouët, Daniel Cueff, convoqué par le tribunal administratif de Rennes pour avoir pris une ordonnance relative aux antipesticides, le 22 août 2019. SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

Le maire de Langouët (Ille-et-Vilaine), Daniel Cueff, qui a interdit l'utilisation de pesticides à moins de 150 mètres de son domicile, a reçu un soutien important ces derniers jours, qui a culminé jeudi 22 août, jour de sa convocation devant la Cour administrative. Cour de Rennes. Entre 600 personnes, selon la police, et mille, selon les organisateurs, l'attendant à la sortie.

Les élus sans label de cette petite commune de 602 habitants avaient pris un décret en mai interdisant l'utilisation de produits phytopharmaceutiques "À une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment utilisé à des fins résidentielles ou professionnelles". Ordre qui a été attaqué en résumé par la préfecture d'Ille-et-Vilaine, au motif qu'un maire n'est pas compétent pour prendre des décisions sur l'utilisation de produits phytosanitaires, y compris au nom du principe de précaution, un pouvoir réservé à la Etat.

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Devant le juge, l'élu, qui réclame la légalité de son décret et envoie un mémoire de 300 pages à la cour, rappelle qu'un règlement européen oblige les États, depuis 2009, à protéger leurs habitants contre la propagation de pesticides, et que le Conseil de L’État a partiellement annulé en juin une ordonnance réglementant l’utilisation de pesticides, au motif qu’il ne protégeait pas suffisamment la santé des habitants.

"Nous ne pouvons pas continuer à négliger la santé de la population"

Parmi les partisans du maire, François Veillerette, directeur de l'Association Générations futures, se souvient de cette première victoire: "Nous avons déjà participé à l'annulation partielle du décret sur les pesticides par le Conseil d'Etat. Il semblait important de le soutenir aujourd'hui."

Le conseiller avait-il le droit de braver l'autorité de l'État? Pour François Veillerette, il a signalé à son "Devoir moral de protéger la commune". "Il a décidé d'agir en raison de l'inaction du gouvernement. Les lacunes de l'État justifient l'action des maires. Le travail d'un maire, qui dispose de pouvoirs de police en tant qu'autorité administrative de sa municipalité, consiste également à protéger la population des atteintes à l'environnement." Un habitant tombé malade aurait pu poursuivre la ville et même l’Etat par manque de mesures ", Il explique.

Un point de vue partagé par Cécile Claveirole, chargée de l’agriculture de France Nature Environnement, pour laquelle le maire est même "Visionnaire et en avance sur son temps":

"Nous ne pouvons pas continuer à négliger la santé de la population. Il y a quelques jours, le ministre de l'Agriculture a déclaré que la France serait le premier pays au monde à interdire le glyphosate [une affirmation démentie par Les Décodeurs]. Mais cela fait treize ans que ça dure, ce ne sont que des mots, il n'y a pas d'actes derrière. "

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Le 22 août 2019, entre 600 et 1 000 manifestants étaient devant le tribunal administratif de Rennes.
Entre le 22 août et le 20 août, 600 à 1 000 manifestants étaient devant le tribunal administratif de Rennes. SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

"Il est temps d'agir"

Bien que tous deux s'accordent sur l'importance d'adopter des mesures au niveau local, c'est surtout au niveau mondial qu'ils espèrent des décisions concrètes, comme l'explique Cécile Claveirole:

"L'enjeu n'est pas d'interdire les pesticides, mais surtout d'encourager les agriculteurs à passer à l'agroécologie. Il faut changer les pratiques, avoir des cultures différentes et inclure davantage de légumineuses pour pouvoir se passer de pesticides. Mais cela implique aussi le consommateur, le secteur public, les politiques publiques de l’Etat … C’est tout le navire qui doit changer de cap. "

L'édile de Langouët est loin d'être le seul à avoir remplacé l'État pour protéger ses habitants. Près de vingt maires ont également interdit ou limité l’utilisation de pesticides dans leur commune: Le Perray-en-Yvelines (78), Boussières (25), Saint-Eloi-de-Fourques (27), Gennevilliers (92), Wignehies (59). ), etc. Le défi concerne les villages en tant que villes et transcende les orientations politiques.

"Il y a beaucoup de maires précurseurs qui donnent le courage aux autres de faire de même. Et le fait que les maires soient attaqués par les préfectures, ça énerve beaucoup de gens, explique François Veillerette. Face au mécontentement qui monte dans certaines communes, "Ce sera une question importante pour la municipalité", y croit.

"Aujourd'hui, nous en sommes plus au moment de prendre conscience, mais au moment d'agir. Cela fait des années que le public est sensibilisé sur la question, il est temps d'agir"il ajoute.

La décision du tribunal administratif de Rennes sera prise en début de semaine prochaine.



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